Journal de bord des Jeunes reporters 2024-2025
1. tout vient du corps
C'est parti pour une nouvelle saison avec les Jeunes reporters de La Colline ! Au programme : « le langage et le pouvoir » comme première thématique faisant le lien entre les spectacles découverts à La Colline et les ateliers qui les accompagnent.
Dès lors quoi de mieux qu’apprendre à se connaître par le langage du corps, quand on sait que notre relation aux autres se construit par nos attitudes, nos gestes, nos mouvements ? C’est ce qu’a proposé Elena Borgogni, comédienne et metteuse en scène dont le théâtre est engagé physiquement, et pour qui l’affirmation du corps est le premier acte par lequel le moi émerge, se pose.
La Jeune reportrice Nina Gayet à écrit à propos de cet atelier : « On ne regarde jamais vraiment les gens dans les yeux. J’étais fatiguée mais j’ai essayé de jouer le jeu, de ne pas flancher, de ne céder ni aux rires ni aux formes qui rassurent mais éloignent de la vérité, ce vide qui soudain prend forme. Bien sûr ce n’était pas que ça, c’étaient aussi des rires, des thés à la menthe et des problèmes de rythmes, cette journée d’atelier à la Colline. Mais c’était aussi et surtout cette découverte, intime et violente, de tout ce qui se joue en silence entre deux inconnus qui pour la première fois se regardent. On s’est vus, plus profondément, sûrement, qu’avec plein de gens que je pense pourtant connaître. Je parle, j’écris, je réfléchis, mais tout était là, dans cette indicible confrontation à l’altérité la plus radicale qui était en miroir. C’était dur de revenir au réel, de ramasser, en silence toujours, les morceaux de moi qui s’étaient échappés sans que je m’y attende. C’est dévorant et enivrant à la fois alors, de faire du théâtre. C’est être soudain nu devant une inconnue, par hasard, parce qu’on s’est laissé prendre au jeu de ne pas jouer. Je me suis jetée dans son regard et j’ai pleuré, sans savoir pourquoi, parce que soudain, on ne faisait plus qu’un(e). »
Les Jeunes reporters ont ensuite assisté à Racine carrée du verbe être, grande épopée écrite et mise en scène par Wajdi Mouawad, le directeur du théâtre de La Colline. Vivre ensemble cette traversée théâtrale a été l’occasion d’échanger sur la pièce, notamment sur la part de prédéterminé et d’aléatoire de l’existence, et de continuer à fédérer le groupe.
II. une ode au langage
Quel est le rapport au langage de notre société contemporaine ? Le langage est-il l’auxiliaire de la pensée ? En quoi sommes-nous responsables du pouvoir de nos mots ?
Jacques Rebotier dans Six pieds sous ciel souligne à quel point nous baignons dans un langage virtuel sans interaction sociale, combien le langage est dévoyé, positivé. Il s’intéresse à l’interaction entre le flux ordinaire de nos pensées et les assauts répétés du brouhaha extérieur, qui viennent saturer nos cerveaux et geler toute réflexion possible.
Au plateau, trois comédiennes sont ainsi coiffées de cerveaux qui s’illuminent quand ils sont assaillis par le chaos extérieur, et ont des tenues qui les rassemblent pour la partition à trois voix qu’elles offrent, la musicalité faisant le lit ici de l’ironie.
Les Jeunes reportrices Leïla Bernoussi et Giulia Campatelli l’illustrent ainsi :
Les Jeunes reporters ont ensuite été sensibilisés par Simon Fesselier, en charge des relations avec les publics en situation de handicap, à la question du handicap psychique et mental et à l’accessibilité du spectacle vivant, avant d’assister à la représentation Relax d’Esquif (à fleur d’eau) d’Anaïs Allais Benbouali. Ils ont pu découvrir par quels moyens ce dispositif d’accueil permet de changer le regard sur le handicap et faire tomber les obstacles symboliques et matériels qui contraignent la venue au théâtre.
Dans Esquif (à fleur d’eau), Anaïs Allais Benbouali évoque le travail de l’Ocean Viking, affrété par SOS Méditerranée, pour sauver du naufrage hommes, femmes, enfants, en Mer Méditerranée. Le spectacle prend la forme d’un conte, pour rendre audible cette tragédie aux plus jeunes, pour que le langage ne heurte pas sans édulcorer la réalité.
La Jeune reportrice Hannah Wachter a choisi d’interroger des enfants à la sortie de la pièce :
La Jeune reportrice Maëlle Marechal illustre Esquif en couleur :
Enfin, laissez-vous porter par le texte de Stella Roumens et les photos de My Lan Sourisseau.
La réflexion sur le langage a ainsi pris de l’épaisseur : les mots indiquent, permettent de nommer une réalité. Cette réalité qui leur est extérieure les détermine à son tour. Il faut les manier à bon escient, conscients de leur puissance.